Fumage de poisson: « Nous n'avons jamais reçu de médecin ici pour une quelconque visite ou sensibilisation... »
Le fumage de poisson est devenu une activité génératrice de revenus pour beaucoup de femmes en Guinée. Au de port de Boulbinet par exemple dans la commune de Kaloum, elles sont nombreuses à s'adonner à cette pratique pour subvenir aux besoins familiaux. Toutefois, bien que le fumage de poissons soit la principale source de revenue de ces femmes, sa pratique les expose à des risques sanitaires considérables.
L'intérieur de l'un des hangars qui servent à fumer le poisson |
Pour la plupart âgées d’une cinquantaine d’années ou plus, ces femmes sont installées à l’intérieur du port de boulbinet, non loin du palais présidentiel. Dans ces lieux, deux hangars servent de lieu d'exercice. La fumée, la chaleur ou encore les eaux usées sont devenus les compagnons de ces mareyeuses. Si certaines coulent des larmes, d’autres de la morve, quelques-unes se retrouvent avec la peau sèche. Tant bien que mal, elles luttent pour obtenir le meilleur produit pour le marché, malgré que ce dernier ne soit plus rentable. « Actuellement le silure (konkoé) tant convoité par le consommateur guinéen se vend à un million et quelques. À cela s'ajoute le bois qu'on utilise et après toutes ces dépenses le bénéfice est minime. Nous passons toute la journée au marché sans pouvoir écouler le stock. On se fait humilier par les créanciers en longueur de journée. Ils réclament leur argent alors qu'il n'y a pas de marché. C'est pourquoi actuellement, nous avons un peu reculé dans le commerce. Nous nous ne pouvons pas totalement nous absenter parce qu'il n'y a que çà qu'on connaît comme activité mais, il faut retenir que le fumage et le commerce du poisson fumé ne sont plus comme avant », déplore Mariama Sylla sous une atmosphère recouverte de fumée.
Outre les problèmes financiers qui ne sont pas moins importants, le fumage de poisson avec des bois et dans des espaces aussi restreint que ces hangars, génère d'énormes fumées. Chose qui met en danger la santé et la vie de ces femmes, « la plupart d’entre nous finissent par tomber malade. Soit elles contractent le rhume, la toux chronique, ou les médecins disent qu’elles manquent d’eau ou de sang », a témoigné M’mamie SOUMAH.
De son côté, Mariama Sylla qui pratique cette activité depuis la première république, n’arrive plus à retenir ses larmes, « Comme vous pouvez le voir elles sortent toutes seules. C'est l'effet de la fumée sur mes yeux. Il y a assez de fumée sous nos hangars. Notre activité est très difficile et joue énormément sur notre santé. Nous n'avons jamais reçu de médecin ici pour une quelconque visite ou sensibilisation. L'Etat nous a oubliés. Une de nos collègues est morte ici et c'est le feu qui l'a tué », a-t-elle déploré avant de solliciter l'aide du gouvernement « à arranger nos hangars de telle sorte que la fumée puisse être évacuée. Nous souhaitons vraiment que les autorités nous entendent et viennent à notre secours ».
A quelle maladie s'exposent ces femmes ?
Au port de Boulbinet, ces femmes utilisent un mélange de combustible avec du bois. Sous les hangars, difficile de compter le nombre de fours qui sont allumés.
A en croire Dr Ibrahim Diallo, spécialiste en ORL à l'hôpital Jean Paul 2 « cette combustion qui produit de la fumée, est un mélange de produits gazeux et de particules solides, toxique pour l’organisme. Constamment inhalé, ce gaz affecte négativement la santé des fumeuses de poissons. Elles peuvent développer des affections respiratoires telles que : la rhinite, la rhino sinusite, les rhinopharyngites, des laryngites, l’asthme, des bronchopneumopathies voire des lésions suspectes de malignité des voies respiratoires (...) Quelques fois, nous recevons ces femmes ici. Toutes se plaignant d’obstruction nasale, d’éternuement, de toux, de prurit ORL, de trouble de l’odorat, d’épistaxis, de dyspnée, de douleur thoracique … Ces symptômes sont non spécifiques. Ils sont liés à une irritation muqueuse », a-t-il relaté.
Sans moyens pour pratiquer une autre activité, le fumage de poisson dans différents endroits devient aujourd’hui la seule activité à laquelle ces femmes s'adonnent à plein temps. A défaut donc de s’en passer, Dr Ibrahim Diallo exhorte ces dernières à « l’utilisation des bavettes et des lunettes afin de protéger les yeux. A opter pour les fours modernes. Il y a une préservation de l’environnement car les gaz mesurés au-delà des fours lors du fumage de poisson sont nuls. A consulter tôt, dès l’apparition des symptômes ».
Mamadou Mouctar Bah
628 55 55 17
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